CREDIT PHOTO: Scotomalab
Plongeons ensemble dans un univers où la créativité se mêle à la technologie, où la mode et la tridimensionnalité se rencontrent pour redéfinir les contours de l’industrie. La modélisation 3D, souvent vue comme le domaine réservé aux passionnés de technologie, se révèle être bien plus qu’une simple prouesse technique. Elle pénètre profondément dans le tissu de la mode, changeant la manière dont les vêtements prennent forme, se dévoilent au monde, et captivent notre imagination.
Imaginez un instant la possibilité de sculpter virtuellement des idées, de donner forme à l’imagination des créateurs, et d’explorer les frontières de l’esthétique. C’est là que réside la magie de la modélisation 3D dans le monde de la mode. Mais pourquoi cette fusion entre l’art du vêtement et la technologie tridimensionnelle ? Comment cette alliance entre tradition et innovation redéfinit-elle les normes du secteur ? Quelles conséquences cette évolution a-t-elle sur la créativité, la production et la communication dans l’industrie de la mode ? Et quelles sont les limites de cette révolution tridimensionnelle dans la mode ?
Au fil de cet article, nous nous aventurons à démystifier ce sujet complexe. Et quoi de mieux pour débuter que de revisiter brièvement le contexte historique qui a façonné la 3D telle que nous la connaissons aujourd’hui.
L’Histoire pour mieux comprendre l’histoire…
L’étude de la perspective remonte à l’Antiquité, posant les bases de ce qui deviendra la 3D. Cependant, c’est au courant des années 70 que la technologie tridimensionnelle se développe. Martin Newell sera le premier informaticien à avoir conceptualisé un objet aux normes et courbes parfaitement respectées ; il créa alors « LA » référence en infographie : la théière de l’Utah. Inutile de préciser que ce monsieur est britannique… No offense, on adore le thé ! C’est de là que les effets spéciaux, les images d’animation ainsi que les jeux vidéo tirent leur origine. Aujourd’hui, la 3D évoque pour beaucoup l’impression 3D. Or, ce n’est pas de cette technologie-là qu’il est question, aussi passionnante soit-elle. Voilà pour l’Histoire, passons à la suite !
CREDIT PHOTO: La théière de l’Utah
Les prémices d’une nouvelle industrie ?
Il est temps de faire intervenir le deuxième secteur qui compose notre sujet : la mode. Comment ce secteur et la 3D ont fini par se rencontrer ? Nous n’aurions pas une réponse aussi claire si notre chemin n’avait pas croisé celui de Grégoire chez Scotomalab (@scotomalab). Scotoma quoi ? Scotomalab ! Un atelier de création 3D. Atelier, parce qu’ils sont spécialisés dans la mode ; création 3D, parce qu’ils font tout au format numérique. Il s’agit tout bonnement d’une structure précurseur en France dans ce domaine, rien que ça.
Grégoire nous a alors expliqué que la troisième dimension peut être utilisée à deux niveaux par les marques : en création ou en communication. Attardons-nous tout d’abord sur la partie création. C’est-à-dire tout le processus qui commence de l’idée du styliste à la réalisation d’un prototype.
La 3D s’avère utile à chacune des étapes de la conception d’un vêtement ! La poule aux œufs d’or de tout ce processus, c’est la prévisualisation. Simplification des modifications, rapidité d’exécution, fiabilité proche du réel, elle ne possède que des avantages. Cependant, chaque médaille a son revers, et il est important de considérer également les mérites des procédures traditionnelles, souvent mises de côté dans cette ère numérique.
Bien qu’ils prennent plus de temps à être réalisés, les croquis papier et les techniques traditionnelles portent en elles une certaine richesse artistique et une connexion authentique entre le créateur et le médium. L’interprétation d’un dessin 2D, bien que plus subjective, peut également être perçue comme une célébration de l’individualité et de l’expression artistique.
De plus, partager aux autres acteurs de la chaîne de production des dessins traditionnels peut être un moyen de communication artistique unique. Le charme du crayon sur papier et la sensation tangible d’un croquis peuvent parfois transmettre des émotions et des détails que la modélisation 3D pourrait ne pas saisir de la même manière.
La question de la transition vers la modélisation 3D soulève donc des défis majeurs. Grégoire souligne : “Ça implique de former énormément de monde, de revisiter les process en cours, et beaucoup de marques préfèrent garder ceux qu’ils possèdent déjà.” Cette réticence de l’industrie de la mode envers la 3D peut s’expliquer par son attachement profond à des méthodes de travail traditionnelles et procédurales. Malgré les avantages évidents de la technologie, certaines marques préfèrent conserver les méthodes qui ont fait leurs preuves au fil des décennies.
Lors des confinements, certaines marques ont toutefois tenté de s’initier à la 3D par nécessité, mais bon nombre sont rapidement retournées à leurs anciens fonctionnements. La question de la création et de la suppression d’emplois est souvent au cœur des réticences des industries vis-à-vis de l’utilisation de nouvelles technologies. Grégoire réagit en affirmant : “On oppose souvent innovation et savoir-faire alors que l’innovation met en valeur le savoir-faire.” Ce jeune modéliste designer, qui propose des formations à la réalisation de vêtements 3D au sein de sa structure, est bien placé pour comprendre les nuances de cette transition complexe.
CREDIT PHOTO: REX – Dior at work in his office, 1947
Créer un mouvement massif (de pixels ?)
Son but, c’est de faire coexister 3D et mode. “Il faut que ce soit un mouvement global, que ça touche même les usines, il faut que tout le monde sache que ça existe, que ça marche. Si tu fais ça dans ton coin, tout seul et que tu restes bloqué aux étapes d’après, ça n’a pas d’intérêt.” Faire du bruit, diffuser l’information, relève le gros du défi. Vous seriez surpris de savoir qu’en France, c’est Petit Bateau qui fut un des pionniers de l’utilisation de la 3D pour sa conception de nouveaux produits. Évidemment, les marques de sport telles Décathlon, Nike ou Adidas s’y sont aussi mises, puisqu’elles sont très liées aux innovations techniques et technologiques dans un souci et un enjeu de performance. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, il existe des marques de vêtements uniquement numériques. À terme, ces dernières souhaitent perdurer dans des métavers, où les NFT et la réalité virtuelle font la loi. Il y en a qui existent déjà (République, The Fabricant) et même une Digital Fashion Week se tient chaque année depuis celle de Londres en 2020.
Une perspective innovante et toute neuve
CREDIT PHOTO: Gucci
Mais alors, si la trois dimensions est encore une pratique en pleine évolution dans la création d’un vêtement, c’est une autre histoire dans le secteur de la communication.
On voit de plus en plus de spots publicitaires faire appel à de la 3D. Nous avons tous déjà vu des annonces sur des panneaux géants en réalité augmentée par exemple. Il s’agit d’une véritable arme en marketing digital, où tout est très spectaculaire. Et souvent, cela n’échappe pas à un buzz sur les réseaux sociaux. Là où 3D rime avec très peu de limites, se dessine évidemment un nouveau terrain de jeu pour les marques. Prenons Gucci, qui a lancé le Gucci Garden dans le métavers Roblox en 2021, où les invités de cet événement pouvaient évidemment acheter des articles NFT de la Maison pour habiller leurs avatars, et où il était possible de déambuler de pièce en pièce. Par ailleurs, l’exposition Gucci COSMOS actuellement à Londres, a pu faire voyager les visiteurs dans leurs archives grâce à cette technologie. La communication offre donc des opportunités pour les marques de se créer une image plus accessible, très cohérente et inscrite dans l’ère du temps. La 3D remplit parfaitement ces fonctions, là-dessus il n’y a aucun doute.
Des industries à deux cadences…
Finalement, la 3D évolue au rythme des métavers, et la mode apparaît comme une institution presque mystique à côté d’elle. Il faudra un certain temps pour que l’une puisse totalement s’immiscer dans l’autre. Ainsi, nous serons témoins de l’avènement de produits innovants que des structures telles Scotomalab, commencent d’ores et déjà à créer. Il faudra être patient, en effet, on comprend les réticences des marques vis-à-vis de cette technologie. Le temps de formation, la question de l’authenticité et le coût qu’impliquent les changements de process sont des motifs légitimes. Mais les espoirs ne sont pas vains : la volonté de s’approprier cette technologie existe et commence grâce à son utilisation au travers des stratégies de communication. Ainsi, attendons que ces deux univers se réunissent pour voir ce que leur mélange plus que créatif nous offrira !
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